Saturday 23 November 2013

furent des « politiques conservatrices, pour ne pas dire réactionnaires »8.

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Benedict Anderson souligne que la nation inspire surtout l'amour, un amour qui « va souvent jusqu'au sacrifice », le nationalisme pensant en termes de « destin historique » alors que le racisme rêve de « domination éternelle » et trouve son origine dans les idéologies de classes, « surtout dans les prétentions des dirigeants à la divinité, et chez les aristocraties », dans un but de répression et de domination intérieures ; ce qui se retrouve aussi dans le racisme des « bourgeois gentilshommes » des empires coloniaux européens, alors que dans les mouvements nationalistes des décolonisations les manifestations de haine envers les colons sont très rares34. Cet historien affirme que « des puissants [...] menacés d'être exclus, ou marginalisés » dans les communautés nationales ont développé des « nationalismes officiels » « calqués sur les nationalismes populaires largement spontanés » mais qui furent des « politiques conservatrices, pour ne pas dire réactionnaires »8.
L'historien Bernard Michel soutient qu'au xixe siècle en Europe centrale, le nationalisme a permis le développement de réseaux de sociabilité nationaux concurrents et pacifiques35, et n'est pas responsable de conflits armés (aux exceptions près des révolutions de 1848 et de la longue guerre entre les Hongrois et l'armée impériale de l'Empire d'Autriche), mais que ceux-ci ont été déclenchés par des puissances impériales (puis au xxe siècle par des États à caractère totalitaire), les haines entre nationalités étant entretenues par les États voulant détourner le mécontentement populaire ou par les mouvements pangermanistes. Le seul conflit purement nationaliste étant la Première Guerre mondiale, entre Français et Allemands36.
En ce qui concerne l'Europe, l'historienne Anne-Marie Thiesse37 affirme qu'après une première phase libérale-nationale où les idées libérales sont inspirées de la révolution française, le printemps des peuples de 1848 met en lumière la problématique du territoire de chaque nation et donc les futurs conflits entre elles, notamment du fait de ce qui sera plus tard appelé les minorités nationales ; ceci étant visible dès cette époque par l'opposition entre le pangermanisme et le panslavisme. L'historienne souligne aussi le fait que certains pouvoirs monarchiques et certaines mouvances nationalistes comprennent qu'ils doivent s'associer pour assurer leur avenir respectif (ces monarques semblant peu ébranlables et les idées nationales s'avérant « puissamment mobilisatrices »). Elle rapporte également l'émergence de divisions au sein des mouvements nationalistes, entre « conservateurs, libéraux modérés ou avancés,... ». L'unité allemande de 1871 en est un aboutissement7.
De son côté, Eric Hobsbawm affirme que « les liens entre racisme et nationalisme sont évidents », et souligne les confusions de cette époque entre nation et race, associés à des idées d'hérédité et de pureté raciale, linguistique, etc. L'historien ne trouve pas surprenant que le nationaliste ait « rapidement gagné du terrain entre 1870 et 1914 » : les changements sociaux et politiques, le grand nombre de migrations augmentant le nombre de frictions entre groupes, la situation internationale ont fourni de multiples occasions de manifester de l'hostilité envers des étrangers, la démocratisation de la politique y contribuant. « Dans les puissances et les États-nations établis, le zèle patriotique des couches [sociales] intermédiaires était plus que bienvenu pour les gouvernants engagés dans l'expansion impériale et les rivalités nationales contre d'autres États »3. Cet avis est similaire à celui des historiens Jean-Claude Caron et Michel Vernus38.
Ernest Gellner affirme que le nationalisme est une vision égoïste de la politique, que la satisfaction de certains nationalistes implique la frustration des autres, et que l'unité politique territoriale ne devient ethniquement homogène que si on tue, expulse ou assimile tous les non-nationaux39.